vendredi 28 mars 2008

"Bouche cousue" de Mazarine Pingeot - Editions Julliard

Mazarine. Il est des prénoms qui se suffisent à eux-mêmes… A peine prononcés, ils disent presque tout. Enfin le croit-on. Parce que longtemps, la fille (très) longtemps cachée de François Mitterrand n’avait œuvré qu’entre littérature malhabile et présence télévisuelle anecdotique. Avec la sortie chez Julliard en 2005 de Bouche cousue, la jeune femme décide de se livrer et de s’adresser à cet enfant qui naîtra prochainement… Parce qu’un jour tu ouvriras des livres qui parlent de lui. Avant que tu ne découvres ce qu’on a fait de cet homme, mon père à moi, je dois réveiller ma mémoire, et te protéger de notre histoire en clarifiant la mienne.

Au gré de ses vérités, Mazarine égrène une sensibilité de petite fille à la fois traumatisée par une situation hors norme, être un mystère de la République, et son bonheur de le voir, Lui, chaque soir assis au bord de son lit avant qu’elle ne s’endorme. Comme tous les pères. Qu’elle puisse enfin l’appeler papa sans craindre de trahir un secret si bien gardé. C’est cette émotion-là que distribue sans faux-fuyant Bouche cousue : cette capacité à rendre ce qui nous semble impossible, palpable, et notre imaginaire la concernant, quotidien. Mazarine raconte ses rêves de gamine peut-être déjà trop mûre pour conserver une certaine naïveté. Elle qui, si souvent, regardait jouer dehors de petites voisines sans qu’elle puisse les rejoindre, de peur de s’attacher à l’une d’entre elles et de Tout lui raconter. Ne pas s’approcher trop près de la réalité pour ne pas trahir un secret. Vivons un peu heureux, mais vivons cachés.

Et puis cet enfant à naître. Il faut vider son sac, se comprendre… mais s’affirmer aussi. Alors Mazarine raconte… elle raconte les lambris des Palais, ses week-ends à la campagne avec Lui installé dans un lourd fauteuil avec ses livres, le soleil qui réchauffe les âmes pour se sentir en famille, sa mère si farouchement amoureuse et secrète, leurs gardes du corps, l’école, l’adolescence, ses premiers émois pataugeants, son Amour, les regards sur elle, inquisiteurs ou compatissants, ceux qui lui veulent du mal, ceux qui croient lui vouloir du bien… l’hôpital, la maternité… la mort. Tout est sensible, honnête, à vif sur des plaies pas encore tout à fait cicatrisées. D’un voyage que l’on pensait celui d’une enfant très (trop) gâtée, on se pose au bout du compte sur des sables mouvants : des fêlures, des absences, un sentiment d’inachevé… Une universalité des manques, comme tout un chacun, en somme.

dimanche 23 mars 2008

"MR73", réalisé par Olivier Marchal

Par Betty Poulpe

... avec Daniel Auteuil, Catherine Marchal, Olivia Bonamy, Gérald Laroche, Francis Renaud... scénariste : Olivier Marchal, sortie France : 12 mars 2008,
site officiel : http://www.mr73-lefilm.com/

Louis Schneider, flic à la SRPJ de Marseille, est plus que fatigué, il est fini. Ses collègues, sa hiérarchie aimeraient en tous cas le croire. Ses rencontres avec la dive bouteille sont fréquentes. Une fois, deux fois de trop, il est lâché, écarté. C'est un fantôme du passé, Justine qui lui apporte la rédemption, l'occasion de partir en soldant les comptes.

Avec "MR73" Olivier Marchal, ex-flic passé du côté des salles obscures, met un point final à son tryptique initié avec Gangsters (2002) puis 36 Quai des Orfèvres (2004). Mais surtout il signe là un grand film noir, loin des adaptations vargassienne ou grangézophile (pour moi, le deus ex machina métaphysico-mystique n'a rien à faire dans un policier, quand je veux du fantastique je lis de l'heroïc fantasy). L'intrigue sert de prétexte pour montrer les blessures mortelles d'un homme, comme les autres, mais qui a accepté d'en chier en endossant sa fonction de flic. Daniel Auteuil est parfait, humble comme il sait l'être, à sa place. L'histoire est simple mais tous les efforts de Marchal se sont portés sur la psychologie des personnages, mis en valeur par une lumière très travaillée. Le tableau final est sombre mais très réussi et je lui pardonne volontiers les quelques excès de symboles (la pluie ça lave...) comme j'avais pardonné ses excès à Frédéric Schoendoerffer sur Truands. Le retour du noir français ? J'en rêve...


A lire : une interview de Daniel Auteuil dans et sur le site de Studio magazine de mars 2008 qui en dit long sur l'attachement du comédien au noir.