mardi 9 septembre 2008

"Chaos calme" de Sandro Veronesi - Editions Grasset


Vous savez ces choses qu’on commence en sachant qu’on sera bientôt interrompu ? Et puis, en définitive, on n’est pas interrompu ? Et alors, on continue, et ça commence à devenir intéressant ? Voilà, c’est ce qui m’est arrivé. Pietro est un nanti : concubin, père, riche, un métier accaparant… Mais, alors qu’il sauve une femme de la noyade, au même moment, son épouse est terrassée et décède dans leur maison. Du (quasi) conte de fée au drame. Pietro est maintenant veuf et seul repère de sa fille, Claudia. Alors qu’un matin il l’emmène à l’école, Pietro décide que dorénavant il restera là, l’attendra toute la journée, faisant le pied de grue pour que la demoiselle puisse voir qu’il tiendra sa promesse. Dans ce qui peut ressembler à une éphémère lubie, à une descente dans les limbes du désespoir, Pietro puise dans la réalité pour s’étonner au final de ne pas tant souffrir que cela de l’Absence. Dans ce nouveau monde qu’il se crée, aux abords de l’école, se croisent les éléments et les personnages de son quotidien d’hier qui viennent, comme si de rien n’était, lui rendre visite. D’abord inquiets, méfiants, ces visiteurs d’un jour (le frère, la belle-sœur, les collègues, les supérieurs hiérarchiques, les voisins, etc.) se muent finalement en malades atteints des symptômes de la vie d’aujourd’hui : amour, trahison, pouvoir, abandon, survie, lutte, adultère…

Dans ce (long) roman, Varonesi scrute l’âme, la décortique pour s’adonner à la peinture acerbe et un brin longuette de nos errances, de nos oublis et de nos quelques convictions laissées sur le bord de la route. Lâchement. De ces monologues, comme de ses dialogues, surgissent quelques fulgurances nous rappelant que notre passage ici-bas est une lutte (parfois) inégale, (souvent) brutale, mais qu’elle laisse aussi (invariablement) la place au vide de l’existence lorsque l’on s’éloigne de l’Essentiel. L’auteur dresse le portrait d’une (in)humanité qui gagnerait sans doute à moins s’appesantir, parce que ces 505 pages (très) bavardes nous poussent inexorablement à sortir respirer de cette lecture étouffante.