mardi 7 décembre 2010

"Moi comme les chiens" de Sophie Di Ricci - Editions Moisson Rouge



Alan, la vingtaine à peine, quitte du jour au lendemain le cocon familial où il ne se sent plus du tout chez lui. En deux pages du livre seulement, il atterrit dans le monde glauque de la galère, de l'errance, de la prostitution masculine et du chacun pour sa gueule où il navigue peut-être moins mal que les autres. Choc frontal avec un monde en marge où Alan croisera deux oiseaux de malheur, les drogues dures, les mecs qu'il pigeonne habilement, les branquignols du coup de poing mortel et le Hibou, ce gars étrange qui pourrait quasiment être son père, et dont les seules motivations semblent être celles de se taper Alan. Comme si tout était aussi... simple.

Pas la peine de tourner autour du pot, Sophie Di Ricci ne nous épargne pas grand chose de cet enfer. Elle a évacué les raisons et les explications pour uniquement se consacrer aux affres quotidiennes d'un improbable couple d'hommes qui ne se comprend pas, ou plutôt qui se comprend mal, ou trop tard. L'auteur décline méthodiquement son histoire, sans enjoliver l'action d'un style qui ferait passer la très amère pilule pour un aimable sucre d'orge. Le scénario n'a rien ici de spectaculaire ou surprenant, il est téléphoné de bout en bout, cherchant coûte que coûte à retranscrire ces tranches de vie rances, vécues comme une inexorable chute que personne ne pourra empêcher. Le sort en est jeté, la lutte n'est plus possible contre ces impasses de vie. Seule la vengeance deviendra dès lors le moteur des carcasses aux abois.

Dans "Moi comme les chiens", le lecteur est un peu voyeur de ce monde si lointain. Il reste avec cette impression brutale d'un documentariste immergé dans un univers avec ses personnages dont il n'a pas les clés du cerveau. Témoin, comme résignée, Sophie Di Ricci accompagne l'inhumanité de ses "héros". Alan n'est plus dès lors qu'un fait divers. Et avec 336 pages, c'est parfois un peu long du fait divers...

Livre reçu en Service de presse après avoir été sollicité par l'éditeur Moisson Rouge

vendredi 19 novembre 2010

"Prière de laisser ses armes à la réception" de Daniel Fohr - Editions Robert Laffont



On se laisse vite séduire par le style de Daniel Fohr. Publicitaire de son état, il a la plume facile, vive, alerte, drôle... Une bénédiction pour la mise en scène du personnage principal de son roman : le nouveau propriétaire d'un petit hôtel qui ne paie pas de mine. Ni palace, ni taudis, il voit tourner les clients de différentes nationalités dans une chorégraphie qui se résume à "je rentre-je sors". Dans ce Vaudeville hôtelier, le patron est le narrateur privilégié de son indifférence et de son recul, posant un regard affûté sur ses clients d'un jour ou d'une semaine. Parce que ce proprio n'a pas de bol, il a racheté l'affaire à un duo curieux de... Corses. Il a retrouvé, planqué, un étrange cahier de chiffres qu'il a préféré brûler. Les ennuis ne sont plus très loin.

Et là, Daniel Fohr est... fort. Il sait manier la formule, triturer les angoisses. Les irraisonnables comme les irraisonnées. Le lecteur balance entre comédie policière noire et oppression paranoïaque à tendance claustrophobe sur fond de références cinématographiques omniprésentes. Son "héros" a la trouille d'être la victime de tueurs à gages tout en dirigeant son hôtel comme une sorte de camp retranché. Visiblement pas fait pour ce monde qu'il découvre cruel, il navigue dans son histoire la tête embuée par les nuits courtes, au gré des rencontres iconoclastes et parfois, amoureuses. Le lecteur se sent bien dans cette histoire drôle, même si on peut regretter sur le dernier quart du livre un soudain sérieux qui tranche avec cette ambiance un peu foutoir, mais finement décrite. Un bon moment deux étoiles tout de même.



Chronique réalisée dans le cadre de l'opération Babelio Masse critique

lundi 1 novembre 2010

L'aventure "Comme des papillons dans les phares" débute...

Et voilà. Une nouvelle aventure débute aujourd'hui avec la mise en ligne du site internet accompagnant la sortie de mon nouveau livre "Comme des papillons dans les phares" le jeudi 4 novembre prochain. Il est d'ores et déjà possible de le pré-commander, tout y est expliqué.
Dans la foulée, le week-end prochain (le samedi 6 et dimanche 7 novembre), je présenterai et dédicacerai le nouveau bébé dans le somptueux cadre de la Bibliothèque nationale de France (Bibliothèque François Mitterrand, Paris 13ème) lors du 1er salon indépendant des éditeurs & écrivains. Une manifestation organisée par l'association SIEL avec 450 exposants. Pour de plus amples informations, c'est là : Siel de Paris
(Merci merci merci merci et... merci à Elsa et Mimi)...

lundi 18 octobre 2010

"Le cœur régulier" d'Olivier Adam - Editions de l'Olivier



J'aime Olivier Adam. Depuis longtemps. Depuis son livre "Falaises" qui m'avait ébloui par sa justesse, sa contemplation, son désespoir, son abandon, son humanité toute simple... C'est sa "marque de fabrique". L'expression n'est pas très jolie mais elle reflète de livre en livre la "petite musique" d'un auteur qui trace sa route. "Le cœur régulier" n'échappe pas à la règle. Sarah est meurtrie par la disparition de son frère. Elle a tout partagé depuis l'enfance avec celui qu'elle admire : il est rebelle, insoumis autant qu'elle s'est adaptée, immiscée dans la peau d'une mère de famille lisse drapée dans sa panoplie de "working girl". Avec la mort de Nathan, elle s'effondre, se repense, s'interroge et se noie dans les incertitudes du "et si j'avais oublié quelque chose...". Sarah est la narratrice de sa propre errance lorsqu'elle décide de partir au Japon sur les traces de ce frère disparu afin de comprendre, de s'expliquer cette mort prématurée. Elle se retrouve dans un village japonais où les habitants ont "l'habitude" des suicides puisque des gens viennent là se jeter depuis les falaises environnantes.

Oliver Adam est dans son élément. Les sentiments enfouis, les silences, l'absence, les odeurs, ces choses que l'on regarde en pensant tout bas que les ombres veillent malgré nous. Il sait magnifiquement raconter l'indicible, décrire les couleurs. Il fait ressentir le vent du large, il sait s'approprier l'espace pour représenter aux lecteurs un monde tactile que l'on oublie trop souvent. Sa force est là, dans cette approche minimaliste et sensorielle. Nous sommes au Japon, avec Sarah. Mais... mais quoi ? J'ai eu souvent l'impression avec "Le cœur régulier" de relire "A l'abri de rien" sorti en 2007 avec presque les mêmes ressorts : un femme narratrice, perdue... la mort d'une sœur, une recherche éperdue de la compréhension de choses, une famille en lambeaux... Certes, on est à la fois ému et transi à la lecture de ce "cœur régulier", mais l'on se dit aussi qu'Olivier Adam va devoir (re)visiter d'autres contrées humaines pour nous faire voyager dans son monde sans les impressions du déjà-vu (lu).

mercredi 13 octobre 2010

"Comme des papillons dans les phares" bientôt chez vous ?


Le suspense est à son comble. Le 4 novembre prochain devrait être la date de sortie officielle de mon nouveau livre. Après un roman intitulé "Thomas s'en fout" sorti l'an passé, voici que débarque "Comme des papillons dans les phares" qui ne sera pas un roman. Mais je n'en dis pas plus pour l'instant. Vous en saurez plus prochainement. En attendant, en exclu avant-première super archi méga mondiale (MON-DIA-LE !), voilà la couverture... (Merci à Mimi).

lundi 27 septembre 2010

"Suite(s) impériale(s)" de Bret Easton Ellis - Editions Michel Laffont


Allez, il faut bien le dire. On se frotte les mains lorsque la sortie d'un nouveau livre de Bret Easton Ellis vient agrémenter la rentrée littéraire. Il n’y en a pas des tonnes, de ces auteurs dont on attend plus ou moins impatiemment la prose. Le voilà. Et pas besoin de noyer le poisson, le nouveau cru m'a un peu laissé sur ma faim. En posant ses valises auprès d’une simili suite à son 1er roman Moins que zéro sorti en 1986 (en France), Easton Ellis retrouve 25 ans après des personnages à qui il avait donné corps pour en faire aujourd'hui des potiches hollywoodiennes.

Ainsi, Clay est-il devenu scénariste à succès et revient à Los Angeles pour suivre de près le casting d'un film tiré d'une de ses histoires. Chemin faisant, il croise ses très anciens compagnons de vadrouille et ses anciennes amours englués dans le système vain du made in showbiz, où se mélangent ego, vanités, vacuité et chirurgie esthétique. L'auteur est ici à son aise. Il braque sa plume acérée sur un microcosme mis sous la coupe des apparences, de l'ennui et même de la puérilité. Easton Ellis excelle dans les bavardages ineptes et creux, où les dialogues de circonstances n'ont d'autres buts que de nous jeter à la figure l'extrême abandon intellectuel et affectif dont sont affublés ses personnages.

Et même si une histoire d'amour forcément contrariée se dessine, l'auteur met toute son énergie à un travail de sape qui adopte un style minimaliste et glacial pour que tous les tourments de Clay ne soient qu'un jeu de dupes qui n'aura qu'un seul but : plaquer noir sur blanc cet assourdissant silence de la solitude. Puis, l’histoire de ce (trop ?) court roman s’emballe dans le sanglant… Comme pour nous sortir de la torpeur et nous faire prendre conscience que les corps ne sont pas uniquement des poupées silencieuses et désarticulées. Clay est-il le Diable, finalement ? Mais tout cela à un coût. Pour le lecteur. Celui de ne pas toujours comprendre le but recherché. Il n'est pas aisé de trouver sa place face à un livre qui assène les banalités crasses d'une comédie communément humaine. Le lecteur essaie d'être le spectateur attentif du vide pour s'en émanciper, pour tenter de sublimer ce néant. L'auteur nous met au travail. C'est à la fois tentant d'être mis autant à contribution et ennuyant d’escalader cet Everest.

Longue interview de l'auteur

dimanche 19 septembre 2010

"Apocalypse bébé" de Virginie Despentes - Editions Grasset



Un sentiment étrange me triture le neurone alors que je viens de terminer la dernière livraison de Mademoiselle Despentes. Ai-je aimé, ou pas ? Parce que cette disparition du jour au lendemain de Valentine, adolescente mystérieuse, est un prétexte. Un prétexte pour l'auteur d'Apocalypse bébé à s'adonner à une série de portraits typés de ses personnages, comme les ingrédients d'un plat réalisé avec une belle application mais qui manque un peu de la saveur de l'étonnement, de la surprise voire du suspens. On croise ici un improbable duo de détectives privés au féminin, où l'une est lesbienne revendiquée au caractère bien trempé surnommée la Hyène, et l'autre est une femme à la recherche d'elle-même. L'on découvre ici la famille de la « disparue » (un père écrivain célèbre, une belle-mère, une grand-mère), une mère biologique, de la crapule... Chacun, à chaque chapitre, a son histoire personnelle racontée, a son portrait imbriqué dans le scénario de cette éperdue recherche de Valentine, entre Paris et Barcelone.

On s'intéresse certes à tous ces personnages qui se veulent représentatifs des strates bien formelles de la population (les célèbres, les riches, les nantis, les opportunistes, les abandonnés, les ambitieux, les losers, les homos, les religieux, les petites frappes...). Tous ont droit à l'attention de l'auteur. Mais reste l'impression, qu'en somme, on assiste à un panorama au casting étudié de notre époque qui voudrait afficher ses subversions et ses transgressions. Tout concourt à faire de cette histoire une mécanique bien huilée dont on ne ressent pas tellement l'envie de faire partie. On ne se sent jamais proche de ce monde décrit, on reste le spectateur un peu exclu de ce militantisme de la vie hors-normes sous toutes ses facettes et peut-être, au fond, caricatural. Je ne sais pas. On pressent, plus la fin approche, la descente aux enfers et le basculement un peu facile vers quelque chose d'irrémédiable. C'est narratif, travaillé et maîtrisé... Mais je trimballe le sentiment que l'image rebelle, combattante et revendicative de Virginie Despentes, que je lisais pour la première fois, n'était qu'une vieille photo un peu jaunie. Alors quoi ? J'ai sans doute aimé cette histoire, mais je n'aime pas l'avoir un peu oublié.

mercredi 8 septembre 2010

"Le mec de la tombe d'à côté" de Katarina Mazetti - Editions Babel



A ma droite, Désirée. A ma gauche, Benny. Ils se croisent souvent, assis sur le même banc d’un cimetière en se toisant du regard. L’une est veuve, l’autre vient fleurir la tombe de sa mère. L’une est lettrée, bibliothécaire, l’autre est agriculteur, un peu abrupt. Pourquoi se regarderaient-ils, se comprendraient-ils… s’aimeraient-ils ? Pourtant, il suffira (d'un signe) d’un sourire en coin, chacun, pour que contre toute attente le coup de foudre les traverse de part en part. Mais tout n'est pas si simple...

D’abord luttant contre cet irrépressible sentiment, Désirée s’avouera vaincue, conquise avec toujours ce petit « mais » au coin des lèvres… Tandis que Benny, lui, tentera de ne pas être tout à fait lui-même sans faire fi de ses origines, son esprit volontaire, sa simplicité… Une lutte de classe ? Plutôt une chute de place où chacun devra tenter d'aller vers l'autre, de trouver sa place dans leur histoire, d'aller à l'encontre de ses préjugés pour comprendre sans se renier. On joue au chat et à la souris dans « Le mec de la tombe d'à côté ». Chacun se renvoie la balle dans ce ping-pong bien troussé d'un chapitre à l'autre, où les sentiments simples et les questions existentielles s'entremêlent, passant de la confusion à la réalité de choses, du rêve de bonheur aux chocs de cultures, et du complexe de supériorité au pragmatisme de la vie à deux. Chacun tentant à sa façon de convaincre l'autre d'entrer dans son univers.

Le lecteur ne sait pas qui a(ura) raison et il s'en fiche un peu. Il se laisse bercer (berner ?) par l'histoire de Désirée et de Benny qui se cherchent, se trouvent, se découvrent, s'amadouent, se rejettent... Dans ces sentiments en montagnes russes et dans ces luttes de chaque instant, il y a l'universalité des relations amoureuses avec leurs plaies et leurs sourires béats. C'est dans ces lectures-là que l'on retrouve un peu de son âme de midinette rêveuse ou d'indécrottable défaitiste. Chacun y va de sa propre histoire, c'est sans doute pour cela que ce livre est un tel succès planétaire. Tout s'explique.

samedi 28 août 2010

"L'encombrant Mister Kitchen" de Charles Higson -Editions du Rocher (Thriller)


Cela pourrait être une journée comme les autres. A Londres, un matin... Lui, designer branchouille, friqué, drogué aristocratiquement et doté de la suffisance nécessaire pour considérer les Autres comme des moins que rien, a le réveil en fanfare. A son interphone, un certain Monsieur Kitchen vient lui racheter une voiture d'occasion. Le ton d'abord poli, mais sec, vient ensuite vite à monter en digression politico-sociale pour déraper sur... le meurtre de Monsieur Kitchen. Le temps d'émerger et de mettre le cadavre dans le coffre de la voiture et les ennuis peuvent (enfin) commencer...

Avec un sujet de départ aussi tonitruant et un humour anglais inimitable, on se croit sur les rails d'un livre qui va vous emporter sans coup férir vers un bon moment de lecture sans prise de tête. Ce n'est pas tout à fait vrai. Car même si le narrateur prend à témoin et interpelle le lecteur tout au long du livre de façon vive et amusante, les aventures rocambolesques du designer dans le rôle de l'arrogant qui cherche coûte que coûte à se débarrasser du corps de Monsieur Kitchen sont avant tout très répétitives.

Dans la surenchère perpétuelle, l'histoire nous trimballe chez l'ex sur le point d'accoucher, nous présente des caïds aux petits pieds, dresse un portrait peu flatteur de parents pot de colle ou stagne sur la recherche des employés insaisissables du designer. Reste à ajouter les accidents multiples et sanglants du designer et les invraisemblances qui accompagnent l'ensemble, et cette débauche d'inventivité scénaristique plombe une marche en avant qui peut parfois ressembler à une montée du col du Galibier en trottinette. D'autant, qu'au passage, le lecteur n'a pas d'empathie particulière pour ce meurtrier dépassé par les événements qui ne gère plus rien du tout, mais tente de s'en donner l'illusion pour s'en sortir. On trépigne un peu d'en finir avec ce personnage antipathique et ce livre qui aurait sans doute gagné à être un peu raccourci plutôt que tiré en longueur.

mardi 24 août 2010

"Un jour de mai" de George Pelecanos - Seuil Policiers


Mai 1972. Une journée à la con, trop chaude... Une journée à faire des conneries par désœuvrement. Une journée qui laissera des traces indélébiles. C'est ce jour où trois jeunes blancs roulent dans leur voiture pour faire du genre et débarquent dans le quartier noir de la banlieue de Washington. Un peu de provocation, un peu d'insouciance et un peu d'inconscience pour faire vibrer l'échine. Forcément, cela tourne mal. Un mort par balle, un fuyard, un marqué à vie sur sa chair, un meurtrier, des complices. Un procès... Puis le silence des années qui passent. Trente cinq ans plus tard, les héros malgré eux du fait divers sont des adultes. Père de famille, losers, médecin, homme d'affaires... chacun des protagonistes a tracé sa route à l'aune du drame, avec cette séquelle dans la tête, cette envie d'en découdre, d'en finir avec ce poids mort qui les hante malgré tout, malgré les apparences.


George Pelecanos est de ces écrivains américains qui racontent brillamment l'Amérique par le petit bout de la lorgnette : ses fêlures, ses errements et ses luttes contre elle-même. Au travers du parcours de ses personnages, il brosse un portait précis du « petit » peuple, avec son histoire quotidienne qui fait l'Histoire de l'Amérique des dernières décennie. L'auteur nous ballade visuellement entre les années rock n'roll et les années disco, entre communauté et individualisme, entre Vietnam et guerre d'Irak, entre délinquance et rêve américain, entre descente aux enfers et rédemption, entre riches et classes moyennes, entre lutte et abandon... Pelecanos a parfois cette naïveté agaçante, toute américaine, que les choses doivent nécessairement s'arranger parce qu'il faut avancer, que la force de son pays réside dans sa capacité à cautériser les plaies pour être un Homme presque neuf qui sauvera son âme plus tard devant ses Juges. « Jour de mai » est un plongeon dans une Amérique loin des strass et des paillettes, qui vit sa quête du meilleur avec cette douleur latente d'une envie de lendemain qui chante. Entre résignation et espoir, ce livre maîtrisé martèle sans cesse que rien n'est tout à fait définitif, que le happy end en technicolor est toujours possible... Toujours en empathie, on en sourit en coin avec le secret espoir qu'il ait raison.

mardi 10 août 2010

"Thomas s'en fout", le bilan...


Depuis le 13 octobre 2009, j'ai vendu en tout et pour tout 132 exemplaires de mon 1er roman « Thomas s'en fout ». Oh, bien sûr, ce n'est vraiment pas grand chose au regard de certains tirages pratiqués ou même comparé à des livres qui n'explosent pas les plafonds des ventes et qui vivotent à quelques centaines d'exemplaires.

Mais peu m'importe. En me lançant moi-même dans l'auto-édition et la création d'une auto-entreprise, je savais très bien que je ne pourrais aucunement concurrencer un circuit de distribution professionnel, ne pouvant que compter sur moi-même et la bonne volonté de certains pour faire de cette aventure quelque chose d'intéressant et de motivant. Et je n'ai pas été déçu à ce niveau-là.

Ce qui m'intéressait, aussi et surtout, c'était de pouvoir faire circuler mon texte auquel je crois (et j'y crois toujours !). Que des gens puissent le découvrir, le lire et bien évidemment l'apprécier.

Dans une immense majorité des cas, je n'ai pas eu de retour(s) sur ce que les lecteurs avaient pu penser de « Thomas s'en fout ». J'imagine que certains ne l'ont pas encore lu faute de temps et/ou d'envie, ou qu'ils n'ont pas souhaité me dire tout le mal qu'ils en pensaient, qu'ils n'avaient pas accroché ou que l'achat avait été fait uniquement pour me faire plaisir. C'est le jeu. En exposant mon « travail » à un public, mon histoire ne m'appartient plus. Elle voyage comme elle peut.

Et puis il y a eu des lecteurs qui ont lu le livre et me l'ont fait savoir. J'ai rougis parfois en lisant leur message ou en écoutant leur arguments. J'ai été surpris de leur attention, de leur souci de certains détails et de l'interprétation qu'ils ont pu donner sur certaines situations racontées dans le livre. Là où je pensais pouvoir les piquer au vif, je découvrais que leur attention s'était portée ailleurs, que ce qu'ils les avaient marqués était une phrase, un personnage, une scène, une réplique qui ne me semblait pas outre mesure appeler cette concentration. Comme je le dis plus haut, « Thomas... » ne m'appartenait plus.

Alors je me suis amusé à opérer quelques statistiques sur les ventes. Qui l'a acheté ?

Sur les 132 exemplaires vendus (au 10 août 2010), ce sont mes amis et les amis d'amis qui ont été les plus prompts à se procurer mon roman. A quoi servirait les amis, sinon ? Ils ont en effet été 29 à faire ma fortune, faisant ainsi profiter leurs propres amis de cette aubaine également à 29 reprises.

Mes collègues, ô valeureux collègues n'ont pas été en reste, menacés qu'ils étaient. Ils ont été 23 à passer au supplice de la caisse (13,80 euros, quand même), offrant au passage 2 exemplaires supplémentaires à leur relation ou famille.

La famille, justement. 6 membres ont participé en achetant « Thomas » pour eux-mêmes tandis que 19 amis de la famille ont eu la joie de recevoir l'ouvrage (merci merci merci merci à Brigitte, François et Yoann !).

Le cercle professionnel n'est pas en reste avec 11 achats (merci Facebook !!).

Enfin, l'univers du blog m'a permis de vendre 11 livres en tout, soit 7 pour des blogueurs ou ex-blogueurs et 4 pour leur relation. Puis 2 personnes-mystères dont j'ignorais tout avant leur achat du livre me l'on commandé.

J'ai également distribué 6 exemplaires gratuitement (ils ne sont pas comptabilisés dans les 132 exemplaires, bien sûr). 2 étaient destinés au cercle intime et 4 à des relations. L'idée était de faire voyager « Thomas ... » et peut-être envisager que ces exemplaires « presse » puisse faire l'objet de billet, post ou encore chronique ou simplement d'avis. Echec cuisant puisque ces exemplaires n'ont pas du tout circulés et seul un des destinataires à mis une photo du livre sur un coin de page de son blog. Les autres laissant la place à un oubli et à un silence polis. C'est leur droit. Il y a eu tout de même quelques avis publiés sur la Toile par des lecteurs, mais je vous laisse le loisir de les découvrir via un célèbre moteur de recherches.
Avec le système que j'ai adopté de l'auto-édition, on voit bien les limites fixées. A savoir qu'il est extrêmement difficile de sortir des cercles (familiaux, amicaux et professionnels) pour s'adresser à un public plus large. Mais je m'en doutais.

Voilà, en 10 mois la vie de « Thomas s'en fout ». Une belle aventure, disais-je. Prenante et enthousiasmante. Elle n'est d'ailleurs pas totalement terminée car, comme je l'ai annoncé, je participerai en novembre prochain en tant qu'exposant au 1er salon organisé par l'association SIEL de Paris. J'y présenterai mon livre mais surtout, j'y travaille, je présenterai mon nouvel ouvrage.

Une autre aventure débute, en somme... A bientôt, donc.

jeudi 29 juillet 2010

Objectif SIEL




Le week-end des 6 et 7 novembre 2010, l'Association SIEL de Paris organise son 1er salon indépendant des écrivains et des libraires. Il se déroulera dans le salon Belvédère de la Grande Bibliothèque François Mitterrand (Paris 13ème). L'accès sera libre pour le public. J'y serai. En tant qu'exposant. J'y présenterai en effet mon roman "Thomas s'en fout" mais également, je l'espère, mon prochain livre que je suis en train d'écrire. S'il est prêt. Alors, un p'tit coup de pub pendant l'été ne peut pas faire de mal. De toute façon, j'y reviendrai, vous vous en doutez bien...

mercredi 30 juin 2010

"Une histoire d'amour radioactive" d'Antoine Chainas - Editions Série Noire Gallimard



Organique. C’est tout de suite l’adjectif qui explose à la figure lorsqu’on lit Une histoire d’amour radioactive d’Antoine Chainas. Avec un titre à la con, le livre met en scène deux flics homos planqués de leurs collègues, drogués et amoureux d’un côté, et DRH, type convenu au travail accaparant, marié, père de famille, de l’autre… Au milieu de tout ça, des disparitions étranges de malades d’hôpitaux et cette curieuse femme mi-artiste photographe d’avant-garde mi-mante religieuse à la sexualité contaminante pour la vraie vie de tout un chacun. Virevoltant à chaque chapitre de l’un à l’autre des protagonistes qui semblent perdre toutes mesures des choses, les histoires personnelles et policières se déclinent dans une irrémédiable corrélation, avec une police de caractères différente, des fois que l’on s’y perde.

On plonge en apnée dans cette enquête plus qu’humaine où la crudité du sexe se mêle aux errances de personnages se révélant tels qu’ils sont ou voudraient être, ou ne sont pas. Voyage sombre et parfois glauque dans les arcanes des âmes à la ramasse à la recherche d’un îlot de survie, d’un soleil réchauffant, de cœurs compatissants et d’une renaissance, même trop brève. Antoine Chainas ne fait pas de quartier, il déroule son implacable plan en frappes chirurgicales qui instillent le malaise et les fonds de cale nauséeuses. Il scrute les derniers instants en posant sa règle : et s’il ne restait plus que quelques semaines à vivre, deviendrions-nous nous-mêmes, faisant exploser nos carcans et nos chaînes au mépris des convenances et de nos silences, voire de nos mensonges ?

Dans cette boue, il n’y a pas la grande foule pour surnager. Pas de fol espoir à l’horizon pour cette enquête au lyrisme amoureux parfois pompeux. En (très) digne représentant d’une nouvelle génération de polarïomane, Antoine Chainas lacère les corps de leurs incertitudes et engage le combat d’une littérature des tripes. Une littérature qui en a. Organique, disais-je.

lundi 14 juin 2010

"Le Parisien" de Thomas Lélu - Edtions Flammarion


Thomas Lélu est un homme à tout faire. Artiste, photographe… romancier. Dans le genre branchouille, le gars déambule quotidiennement dans la hype, entre gens qui comptent seulement pour eux-mêmes. Avec « Le Parisien », son troisième roman, c’est sa vie qu’il raconte. Celle où le lundi il se lève tard, petit déjeune, couche avec Chloé, déjeune, s’engueule avec Chloé, envoie des textos, croise Pierre, Paul et Jacques, prend l’apéro, couche avec Chloé, envoie des textos, dîne, va dans une soirée, picole, se ré-engueule avec Chloé, envoie des textos, rentre bourré, couche avec Chloé et s’endort. Le mardi pareil. Le mercredi pareil. Le jeudi pareil, mais on ajoute une avant-première au cinéma. Le vendredi pareil, mais on ajoute un vernissage. Le samedi pareil, mais on ajoute une visite familiale. Dimanche pareil, mais on ajoute une invitation à séjourner dans une (forcément) grande maison avec ces mêmes gens qui comptent. C’est triste, sinistre et emmerdant.

Et pourtant, de la part d’un auteur capable d’être hilarant ("Je m'appelle Jeanne Mass" et "Jacques Daniel Nick Oussama"), on pouvait raisonnablement s’attendre à plus de mordant et d’ironie bien sentie. Avec du recul, « Le Parisien » aurait sans doute énormément gagné à scruter une frange de population hors-circuit du quotidien des gens dits normaux. Se refusant (peut-être) à cracher dans la soupe, Thomas Lélu livre un journal d’auto-fiction rébarbatif qui voit se débattre comme elle peut une histoire d’amour impossible sur le mode on s’aime trop pour vivre ensemble. Fatigante posture qui phagocyte l’ouvrage alors que le reste fait trépigner d’ennui. Les soirées, les rencontres, les discussions, tout concourt à l’immobilisme, à cette infinie désolation d’Etres qui passent leur temps à être hors du temps, hors du monde et de ses contingences. Des vies qui tournent en rond. Comme tout le monde, au final ?

En décortiquant ces journées façon listing avec force détails, Thomas Lélu lorgne sûrement du côté de Brett Easton Ellis. L’auteur tente de donner corps au narrateur, le rendant tour à tour beau, con, cynique, incompréhensible, sensible, perdu, amoureux, affable, paresseux, invisible… insensible, fermé, obtus. Avec cette humanité, pourtant, le lecteur n’est quasiment jamais dans l’empathie. Dans ce manque flagrant de sentiment(s), on se dit que « Le Parisien », est un égarement, presque une facilité. Autant ses deux précédents romans étaient blindés d’imagination, autant celui-là traque le quotidien avec une morosité criante. La publicité nous aura menti : Le Parisien, il ne faut pas nécessairement l’avoir en journal.




vendredi 21 mai 2010

"Sévère" de Régis Jauffret - Editions du Seuil


Le lecteur est prévenu d’entrée. Dans ce livre, je m’enfonce dans un crime. Je le visite, je le photographie, je le filme, je l’enregistre, je le mixe, je le falsifie. Je suis un romancier, je mens comme un meurtrier. Avec Sévère, Régis Jauffret revisite à sa façon un fait divers ayant défrayé la chronique en 2005 avec l’assassinat par balles à Genève du financier Edouard Stern par sa maitresse lors de jeux sado-masochistes.

L’auteur s’est donc mis dans la peau de cette femme, criminelle, pour raconter leur vie à deux, leur vie cachée sous les lambris des gens beaucoup trop fortunés pour elle. Romancée, l’action est un va et vient permanent entre l’histoire de leur relation chaotique et la fuite (loin) de cette femme après son crime, comme libérée d’un fardeau. Elle aime cet homme, mais elle le tue. Elle l’admire, mais il la traite comme une moins que rien. Hypnotisée, elle tente de se défaire souvent de son emprise sans jamais y parvenir.

Régis Jauffret s’approprie cette histoire avec la douleur nécessaire, cette touche souvent juste d’enfermement, ce sentiment d’étouffement qui caractérise une histoire d’amour destructrice. Car quoiqu’on en dise, s’en est sûrement une… Ce vertige poignant se heurte à la réalité. Avec ce choc frontal, l’auteur prend à bras le corps son roman avec la sobriété des mots, la justesse dans l’effondrement et la retenue dans le jugement, délivrant les implacables séquences qui mèneront à l’inéluctable. Sans se cacher derrière son petit doigt, il appréhende cette folie irrémédiable avec un regard paradoxalement clinique et très maitrisé. Sévère est un roman juste qui raconte l’injuste. Parfaitement.

mercredi 28 avril 2010

"La commissaire n'aime point les vers" de Georges Flipo - Editions La Table Ronde


Il m’aura fallu quelques temps avant de me lancer dans la lecture de la dernière livraison de Georges Flipo, un livre dont je n’aime point le titre et qui trônait sur mes étagères… Mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, j’aime bien l’état d’esprit épicurien de l’homme au travers de son blog alors que ces deux précédents ouvrages (Qui comme Ulysse, Ce film va faire un malheur) m’avaient plutôt convaincu de poursuivre un bout de chemin littéraire en sa compagnie.

Et cette fois, l’auteur nous embarque du côté du polar. Pour nous faire marcher (courir), il invente Viviane Lancier, commissaire de son état, qui mène l’enquête autour de la découverte d’un sonnet dont Baudelaire serait l’auteur et qui sème la mort entre collectionneurs-spécialistes, SDF et familles étranges… Dans cette enquête tenue de bout en bout, Georges Flipo se régale manifestement à distiller ses informations policières avec la mise en scène d’une multitude de personnages. Peut-être trop, d’ailleurs, tant il m’est parfois arrivé de m’y perdre entre tous ces noms, bizarrement.

Ayant lu ici et là que le livre recelait de pas mal d’humour, j’avoue ne pas l’avoir perçu. Mais là où l’auteur se reconnaît, c’est dans cette facilité à parler des gens, à glisser ces détails qui façonnent ses personnages et leur donnent ainsi corps. Oh, bien sûr, on peut trouver très lassantes les sempiternelles préoccupations de Viviane sur son destin de femme au prise avec son régime alimentaire, mais une fois l’enquête resserrée autour de son déroulement, on se prend à ce jeu délicatement surannée et poussiéreux comme un fauteuil de l’Académie française. Bref, on ne s’ennuie pas sans être transporté par cette enquête de Viviane Lancier qui fait plutôt figure d’un Derrick en Charentaises que d’un Jason Bourne sous amphétamines. En tout cas, attendons la seconde enquête du Commissaire puisque ce livre inaugure le lancement d’une collection… L’auteur a même eu l’occasion de me dire personnellement (et oui, je connais du monde dans le chaud business) que la date de sortie avait été choisie. On saura alors si Viviane est bonne pour le service…

mardi 20 avril 2010

"La théorie du panda" de Pascal Garnier - Editions Zulma



Il est là, posé. Le panda. Il va traverser discrètement le livre de Pascal Garnier. Il accompagne du regard Gabriel, reste d’être humain au lourd passif affectif qui s’installe dans une petite ville de Bretagne. D’où vient-il ? Qui est-il ? Tout le monde s’en fout presque, mais pas tant que ça. A lui seul, il réinjecte ces petits soubresauts de vie avec cette quiétude triste dans un quotidien omniprésent. Gabriel croise les gens et s’immisce imperceptiblement dans leur espace : des femmes et des hommes ébréchés par le temps qui passe et sur lequel ils n’ont aucune prise. Subissant le banal de la vie comme des survivants… Pour les consoler, les amadouer ou les rendre heureux, il leur fait à manger, le plus souvent. Il le fait si bien.

Pascal Garnier écrit admirablement. Basant son récit sur la simplicité, il crée une empathie discrète, presque hypnotisante, pour des personnages apparemment sans relief lorsqu’on ne fait que les croiser : une hôtesse d’accueil dans un hôtel terriblement seule, un restaurateur épuisé et malheureux, un couple en sursis. L’auteur prend son temps, dissèque mine de rien les atomes crochus, les regards dans le vide et les silences. Il magnifie subrepticement le petit ordre des choses et s’adonne avec délectation à l’inerte pesant. La théorie du panda est de ces beaux moments rares qui mêlent avec justesse une certaine ironie du sort, la tristesse, le désespoir et la tragédie avec la volonté farouche d’être encore à hauteur d’Homme. Puis, en filigrane, l’auteur délivre au fil des pages quelques bribes d’explications, quelques clés sur le parcours de Gabriel. Son histoire. On comprend, trop vite peut-être, que le dénouement a son évidence, qu’il est écrit. Que la trace laissée par Gabriel est indélébile… Comme celle de Pascal Garnier, décédé en mars dernier.

vendredi 9 avril 2010

"Incidences" de Philippe Djian - Editions Gallimard


Il ne paie pas de mine, Marc. La cinquantaine assumée, donnant des cours d’écriture à l’université, il aime ses jeunes étudiantes. De près. De très près. De très très près. Un soir, ivre, il rentre chez lui en charmante compagnie pour se réveiller le matin aux côtés d’une morte. Panique ? Pas tant que ça, même s’il faut se débarrasser du corps. Si le début du livre respire l’humour noir anglais, détaché, on tombe vite dans l’étonnant aveuglement égotiste de Marc plus « auto-préoccupé » par ses relations ambiguës avec sa sœur, par son supérieur hiérarchique pot de colle ou encore par la mère de la jeune morte avec qui il noue une relation étourdissante.

C’est dans la chaleur d’un sud de la France que l’on imagine, que Djian fait suffoquer ses personnages aux prises avec le quotidien, le banal et l’ennui. Sans véhémence, sans peur ni sans ce soupçon de remords, le héros malgré lui déambule dans ses angoisses du lendemain avec la verve d’un animal en hibernation. Eteint, il croise le monde en redécouvrant parfois que son cœur peut se remettre à battre. Là, la promiscuité et les corps ne trichent plus, ils s’agrègent pour s’oublier et renaître. Djian maîtrise parfaitement ce ralenti, cette indifférence crasse où la vie ne se mène pas, elle se subie. Il triture la désinvolture tranquillement et s’adonne aux plaisirs malsains, mais réjouissants, d’une écriture lardée d’échardes qui fait passer brillamment de la stupeur du lecteur vers les inaccessibles contrée de personnages en lambeaux. Il y a ici comme un malaise perceptible, une chute effrayante qui ne peut que faire tout exploser sur son passage. Une bombe à fragmentation.

mercredi 7 avril 2010

Deux films : "Helen, autopsie d'une disparition" de Christine Molloy & Joe Lawlor et "Solutions locales pour désordre global" de Coline Serreau



"Helen, autopsie d'une disparition"

Ecrit, produit et réalisé par : Christine Molloy & Joe Lawlor
Casting : Annie Townsend, Sandie Malia, Dennis Jobling…
Nationalité : britannique
Genre : drame
Durée : 1h19
Sortie : 7 avril 2010

Quel voyage étrange que ce « Helen » coréalisé par Christine Molloy et Joe Lawlor. En 1h19 seulement, cet objet filmé pas tout à fait identifié débute par un envoûtant générique bercé d’une lumière douce et paisible au ralenti lascif et entêtant. Puis, au vif du sujet, le spectateur plonge dans la disparition inexpliquée d’une adolescente et l’enquête qui va avec… Mais voilà, le film ne s’attarde pas là. Trop facile. Il préfère suivre Helen, une jeune adolescente effacée qui prendra la place de la vraie disparue pour aider à la reconstitution policière du drame. On s’immisce dès lors dans des méandres aux relents du thriller cette fois philosophique. Les réalisateurs ont fait appel à des acteurs amateurs au jeu très scolaire pour un film semblant allier fiction et documentaire. Ils se focalisent sur l’absence d’identité et ce passé qui manque à cette orpheline, comme un trou béant dans son histoire qui n’existe pas. Ils prennent leur temps, suivent Helen dans la découverte de son contraire absolue pour se construire : une fille aimée de ses parents, bien dans ses baskets et accompagnée d’un petit copain.
De cette intimité là, ils nous emportent un peu perdu dans des plans séquences qui s’intercalent pendant que la voix-off, celle d’Helen, s’adresse à la disparue, s’interroge sur son propre sort et sur ses envies d’autre chose. Molloy et Lawlor s’adonnent à une réalisation résolument minimaliste malgré une musique omniprésente, matant du coin de l’œil Gus Van Sant façon « Elephant ». Dans cette déambulation parfois maladroite, il y a de quoi rester sur le bord de la route, coincé entre perplexité et ennui pour cette jeune fille en quête d’elle-même, qui marche dans les pas du malheur à la recherche de sa renaissance. Rien de tout à fait malsain dans ce premier long métrage, mais cette ambition juste prégnante que le vide ne demande qu’à se combler d’humanité.



"Solutions locales pour désordre global"


Réalisateur : Coline Serreau
Durée : 1h53
Nationalité : française
Genre : Documentaire
Sortie : 7 avril 2010

Allo, la terre ?! C’est à un retour au pas de charge vers la terre nourricière que Coline Serreau (« Trois hommes et un couffin », « Saint-Jacques… La Mecque »…) nous convie dans son documentaire. Parcourant le monde (Inde, Afrique, Amérique du Sud, Ukraine… France), la réalisatrice est en effet partie à la recherche de ces gens qui chaque jour travaillent à leur modeste échelle à ce que l’agriculture ne soit plus le cobaye consentant des laboratoires, des produits chimiques et des groupes industriels qui l’ont saccagée ses 70 dernières années.
Film clairement militant à l’heure où la taxe carbone à la française tombe aux oubliettes et que le Sommet de Copenhague n’est plus qu’un lointain souvenir, « Solutions globales…. » trace un sillon salvateur et motivant à la rencontre de chercheurs, d’agriculteurs, d’associations, de fondations, de philosophes… Ils fournissent un éclairage sérieux, ludique et plein bon sens sur ce qui pourrait faire simplement changer les choses : ne pas tricher avec la terre en lui injectant des substances qui pollueront non seulement ses productions mais aussi qui hypothèqueront l’avenir de l’humanité en matière alimentaire. Malgré un constat aux relents apocalyptiques, le documentaire propose des solutions étonnamment communes d’un continent à l’autre. C’est avec l’espoir et les convictions d’une avant-garde que Coline Serreau met en scène son message : Retroussons-nous les manches, à notre niveau ! Petits champs deviendront grands… Le film essaime les bonnes volontés pour la bonne cause, mais cela suffira-t-il… Une révolte ? Non, sire, c’est une révolution (à faire).

jeudi 25 mars 2010

« Ne vous retournez pas » de Maud Tabachnik – Albin Michel


Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un lecteur habituel de thriller. En me lançant dans le dernier roman de Maud Tabachnik par la grâce de l’opération Masse Critique de Babelios, je n’avais pas d’a priori mais l’envie de découvrir encore un peu plus un genre de littérature éloigné de mes goûts. Peine (un peu) perdue. Car suivre les aventures de Stan Levine, flic brillant mais détruit par l’assassinat de sa fille alors qu’il était en poste à New York, c’est comme compulser négligemment le catalogue des clichés. En réunissant sur 441 pages une chasse au tueur psychopathe invisible et une psychologie familiale ras du sol sur fond d’attentats de terroristes islamiques, l’auteur français sur-joue sa plume aussi légère qu’un motoculteur, et se veut plus américain que les américains.

Dans ce mélange d’imaginaire et d’Amérique fantasmée, le lecteur voit se succéder un enfilage de perles en règle : flics à la ramasse, musulmans forcément louches, tueur cruellement cruel, affaire de famille éprouvante… Rien ne nous est épargné, de la torture effroyable à la réconciliation risible des amours perdues en 20 lignes, en passant par les ressorts d’une enquête qui tiennent sur un demi-timbre Poste… Avec des chapitres courts, les histoires et les personnages se superposent et se recoupent banalement jusqu’au dénouement final aussi surprenant qu’un retard de train à la Gare Montparnasse. Au pas de charge, Maud Tabachnik veut reconstituer son puzzle sans traîner. Même si l’ensemble est vif et nerveux, ce grand tout se dilue dans des soubresauts qui me sont étrangers. L’impression d’avoir déjà vu ça 100 fois. Au cinéma.

lundi 8 mars 2010

"The Ghost writer" de Roman Polanski


Casting : Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Kim Cattrall, Olivia Williams…
Durée : 2h08
Genre : Thriller

Un peu d’Hitchcock, un peu de thriller, un peu de paranoïa, un peu de (géo)politique, un peu de complot, un peu (beaucoup) d’humour : un film de Roman Polanski. The Ghost Writer signe le retour en grâce du réalisateur sur le devant de la scène cinématographique autre que celle de la justice. Dans un scénario étouffant qui voit l’étau de la vérité se resserrer inéluctablement, un écrivain en mal de succès public s’adonne pour la modique (sic) somme 250 000 dollars à la réécriture des mémoires mal fichues d’un ex-premier ministre britannique. Jusque là, rien de bien inquiétant sous la pluie continue d’une île hostile qui accueille le nègre avec l’enthousiasme d’un névropathe dans un congrès de clowns. Mais son prédécesseur, , et ex-bras droit du Prime minister, a été retrouvé noyé tandis qu’un impitoyable puzzle politico-guerrier se constitue sous ses yeux peut-être encore trop naïfs.

Dans le rôle du Ghost Writer, McGregor fait merveille. Séduisant, drôle, le tif hirsute et la dégaine de l’écrivain fatigué tout à son nouveau travail d’enquêteur trop curieux, l’acteur affronte un Pierce Brosnan, tout en cabotinage, qui peine quand même à convaincre en ex-locataire pendant dix années du 10, Downing Street. Même si la réalisation fait dans le classicisme sans effet de manche, elle est vive, fluide et inspirée, trimballant le spectateur entre faux-semblants et fausses pistes alléchants. Le scénario distille au passage quelques échanges drôles et des considérations bien senties sur les relations américano-britanniques plus qu’étroites de ses 60 dernières années. Et si le montage semble parfois chaotique (Polanski a-t-il eu tout le temps de s’y consacrer ?), Ghost writer renoue avec un cinéma d’enquête du gars tout seul contre le monde en bravant sans coup férir l’écueil de l’ennui. A farfouiller dans les recoins mal famés de la CIA et de la politique, le réalisateur offre au spectateur une plongée là où pourrait se confondre les méchants gentils et les gentils méchants. Ou l’inverse. Du Polanski tout c(r)aché, en somme.




lundi 22 février 2010

"La vengeance du wombat" de Kenneth Cook - Editions Autrement (Littératures)


L’Australie. Terre souvent inhospitalière, infestée de bestioles en tout genre dans laquelle un écrivain mi-trouillard mi-curieux recherche l’inspiration. C’est le résumé sommaire d’un livre de 14 nouvelles où fourmillent les aventures rocambolesques d’un narrateur plus proche de Tarzoon la honte de la jungle que de Crocodile Dundee. 14 histoires finement écrites qui mettent en scène koalas, serpents, wombats, sangliers, buffles, requins s’abattant sur un écrivain englué dans des histoires à dormir debout, et contre lesquelles il n’aura pas même la force de lutter. Ciselée, au cordeau, chaque histoire déroule son implacable scénario avec un recul et une autodérision toute anglo-saxonne.

Kenneth Cook s’amuse manifestement de ses (??) déboires animaliers à la rencontre, au passage, d’Australiens bourrus et alcooliques pour qui la nature n’est qu’un vaste terrain de jeu face à l’ennui. On rit franchement de ces aventures-là, où le style à la fois précis et imagé, nous permet de ne pas perdre une miette de la descente aux enfers. On visualise les scènes, on frissonne parfois et on se sidère souvent de cette nature endormie en surface mais bien réelle lorsqu’on la côtoie de trop (trop) près. La meilleure place étant celle du lecteur, tranquille sur son fauteuil, même s’il vous prend l’envie d’aller regarder en dessous, des fois qu’une bête à poils puisse surgir… Pour votre malheur.

mardi 9 février 2010

"Les mille et une vies de Billy Milligan" de Daniel Keyes - Edtions Calmann-Levy



La dernière fois que j’avais entendu parler de Daniel Keyes, c’était dans ma prime jeunesse (ouuuh, c’est loin ma bonne dame !!!...) et la lecture de Des fleurs pour Algernon dont je revois encore la couverture en Livre de Poche. Patient. Hôpital. Souris. Cobaye. C’est ce qu’il m’était resté en mémoire… Alors forcément, retrouver l’auteur crapahutant autour d’un cas médical majeur n’était pas vraiment surprenant. En effet, ces 1001 une vies là, sont un voyage dans un pays que l’on n’imaginerait pas même en rêve.

Billy Milligan est un petit américain plus que moyen et depuis son enfance maltraitée, il trimballe une personnalité multiple composé de 24 « habitants » plus ou moins vivaces et présents dans sa vie de tous les jours. D’abord incrédule, parfois sceptique, le corps médical se range finalement devant le fait accompli : Billy n’est pas un et un seul. Billy est une multitude d’êtres s’appropriant son apparence, avec leur Histoire, leur enfance, leur force, leur faiblesse, leur violence, leur douceur… Selon son environnement, Billy et ses autres lui ont appris à apparaître et disparaître, à changer de voix, d’accents, de sexe et de talents. Physiquement. Intrinsèquement. Billy est un personnage de roman, fascinant, le malheur (pour lui) voulant qu’il ait réellement existé et que ses crimes présumés (viols, braquage) doivent être punis par une Justice américaine hermétique et aveugle à ses maux.

Autant le dire tout de suite, j’ai failli abandonner la lecture du livre au bout de 100 pages sur les 637 qu’il compte. Clairement partagé en trois parties, l’ouvrage débute par un descriptif médical et peu littéraire du cas Billy. A coups de rapports médicaux, d’approches nécessaires pour tenter de comprendre, de mettre au jour les différentes personnalités de Billy, Daniel Keyes se contente d’être un scribe méticuleux, ce qui peut le rendre ennuyeux. Puis le livre s’engouffre de façon assez maline dans la vie de son triste héros. L’auteur, qui est choisi par Billy Milligan et ses avocats pour raconter son histoire dans un ouvrage, fait ainsi vivre les différentes personnalités de ce malade comme des personnages indépendants, existants par eux-mêmes. Ils se parlent, se répondent, apprennent à vivre ensemble et à gérer leur cas. Tous deviennent comme familiers du lecteur qui les reconnaît instantanément à leurs tics de langage, leurs comportements et leurs frayeurs ou leurs bombages de torse. Tour à tour trouillard, intelligent, violent, séducteur, timide, petit garçon et même fille, Billy Milligan tente de s’en sortir par une thérapie qui demandera du temps pour passer de la dissociation à la construction d’un seul être. La troisième partie du livre mettra à mal toutes les bonnes volontés du monde. Celle de Billy, d’abord, puis celle des psychiatres qui tentent de lui redonner sa vie. La Justice, les peurs d’une société civile et médiatique, sont aux aguets. Elles drainent incompréhension, haine, démagogie politique et violence. Un schéma bien connu.

En s’impliquant dans ce livre, Daniel Keyes fait œuvre de défricheur de mystère. Il ne juge pas. Il a rencontré et écouté Billy Milligan se raconter lorsqu’il réussissait à être lui-même. Il a rencontré aussi les médecins qui ont tenté de le soigner, les infirmiers présents au jour le jour, sa famille… Le portrait fait est minutieux, sans misérabilisme, sans arrogance… Le parti pris journalistique rend le récit fluide et accessible. La simplicité du propos tranche singulièrement avec la complexité du cas. Ce n’est pas le moindre de ses tours de force, même si le livre peut sembler (un peu) long, parfois.

mardi 19 janvier 2010

... Dublin



... De passage quelques jours à Dublin, j'y ai croisé quelques fantômes... James Joyce et Oscar Wilde...

mardi 5 janvier 2010

"Vous plaisantez, Monsieur Tanner" de Jean-Paul Dubois - Editions de l'Olivier


Allez, qui aura fait appel à un plombier, un peintre, un électricien ou encore à un maçon sans cette petite boule dans le ventre, plus communément nommée inquiétude latente, à l’approche de la catastrophe, des angoisses et autres consternations à venir ? Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit dans le roman-autobiographique de Jean-Paul Dubois. Dès la mise en garde de la première page du livre, l’auteur annonce la couleur : il se met en scène, il change les noms des héros et la chronologie, mais ne travestie plus rien de la réalité à venir… Juste le temps de permettre au cauchemar de commencer.


Et pourtant tout débute de façon idyllique pour monsieur… Tanner. Il hérite en effet d’une bicoque d’un oncle éloigné. De lourds et coûteux travaux à effectuer, la revente de son actuelle maison à mettre en route, et tout devient possible pour rejoindre son palais qui va devenir celui des 1001 emmerdements dont il ignore encore tout. Déboulent alors chez lui les artisans… du désastre. Des installations, des réparations… du n’importe quoi au lamentable, les protagonistes s’en donnent à cœur joie pour rivaliser dans la folie propre à vous en glisser massivement dans votre bras en intraveineuse survitaminée. Tour à tour inconscients, incompétents, pieux, voleurs, menteurs, lymphatiques, grotesques, arnaqueurs, les bricolos du dimanche mettent du cœur à l’ouvrage pour tenter de convaincre le valeureux propriétaire que la catastrophe est impossible, ou qu’elle n’a aucune importance malgré les faits incontestables. Forcément, on est tenté de rire (jaune) aux élucubrations de ces professions qui recèlent de mauvaise foi. On s’accable des malheurs de monsieur Tanner. On compatit à son calvaire tendance chemin de croix qui tendrait vers une Lumière lointaine et hypothétique… On s’affole, aussi, ou on baisse les bras en s’imaginant ou en se remémorant nos propres aventures domestiques. Après avoir lu Vous plaisantez, monsieur Tanner, plus personne ne pourra faire appel à un plombier sans en avoir la chaire de poule.