lundi 30 mai 2011

"L'honorable société" de Dominique Manotti et DOA - Série Noire Gallimard



L'Honorable société, ce n'est pas qu'un leitmotiv nous rappelant la Mafia. Sous la plume du tandem Manotti-DOA, il s'agit de la "bonne société". La très bonne société. Celle du beau linge représentée par les mondes politiques et celui des affaires bien sous tous rapports. Nous sommes entre les deux tours d'une élection présidentielle. Chacun des deux candidats trimbale suffisamment de casseroles pour se lancer dans la restauration tandis qu'autour d'eux, et avec leur complicité, se trament les chausse-trappes, les tractations et autres règlements de comptes leur permettant de faire place nette. Et comme dans tout bon polar, c'est par un assassinat que la mécanique se met en branle. Celui d'un agent de sécurité travaillant pour le fleuron du nucléaire français et dont on apprend qu'il est en fait policier en mission.

A partir de là, Manotti-DOA déclinent une mécanique remarquablement huilée où le Politique n'est pas sans ressembler à ces gens qui nous gouvernent et le technocrate sans nous rappeler ces crapules en col blanc. Ces hors-la-loi bon teint qui contrôlent un groupe de BTP, qui négocient et complotent dans les couloirs discrets... Tout ce petit monde de connivence, qui s'entrecroisent, voit forcément d'un mauvais œil que les choses ne tournent pas comme elles ont été négociées contre un peu de Pouvoir et/ou quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Surtout quand l'imprévisible s'embarque malgré lui dans la tempête d'une affaire d'Etat : un journaliste anglais sur le retour enquête, quatre apprentis écoterroristes dépassés, un flic revenu de tout surtout depuis qu'il s'est fait virer d'une précédente affaire politique, des déchets radioactifs baladeurs, des montages financiers secrets...

Manotti-DOA se défendent d'avoir écrit un roman à clé. Mais comment ne pas tenter de mettre des noms sur leurs personnages et sur notre environnement économique et politique ? Un candidat à la présidentielle hyper-actif, colérique et sur le point de divorcer, un patron du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), un groupe de BTP lié aux médias tout puissant et prêt à tout... Il y a un certain plaisir à se retrouver sur ce terrain d'une actualité et d'une histoire qui se voudrait fictive. Alors évidemment, en lisant "L'Honorable société", on peut avoir l'impression de déjà lire le scénario un peu sec d'un film avec, peut-être, un manque d'épaisseur psychologique, à défaut d'une œuvre littéraire stricto sensu. Il n'en reste pas moins que ce livre déroule une action sans accro, au tempo battu en mesure. Tour à tour, les auteurs situent l'action du point de vue de chacun des personnages, ce qui en donne son rythme, laissant de côté toute monotonie. On ne s'ennuie pas et on frissonne un peu de croire tout cela possible. En pleine dichotomie, on se sent loin de tout cela parce que nous sommes un peu trop naïf alors qu'il faudrait être sans doute un peu (juste un peu) paranoïaque de temps en temps pour paraître moins con, moins largué par les mensonges qui nous entourent. Un thriller-polar salutaire, en somme.